Texte
Comme les héros de Bosustov, la pensée actuelle a cessé de flotter par la force de son propre mirage. Ce qui l'avait élevée l'abaisse aujourd'hui. A toute allure elle se jette audevant de la réalité qui va la briser, la réalité quotidiennement vécue.
La lucidité qui s'annonce estelle d'essence nouvelle ? Je ne le crois pas. L'exigence d'une lumière plus vive émane toujours de la vie quotidienne, de la nécessité, ressentie par chacun, d'harmoniser son rythme de promeneur et la marche du monde. Il y a plus de vérités dans vingtquatre heures de la vie d’un homme que dans toutes les philosophies. Même un philosophe ne réussit pas à l'ignorer, avec quelque mépris qu'il se traite ; et ce mépris, la consolation de la philosophie le lui enseigne. A force de pirouetter sur luimême en se grimpant sur les épaules pour lancer de plus haut son message au monde, ce monde, le philosophe finit par le percevoir à l'envers ; et tous les êtres et toutes les choses vont de travers, la tête en, bas, pour le persuader qu'il se tient debout, dans la bonne position. Mais il reste au centre de son délire ; ne pas en convenir lui rend simplement le délire plus inconfortable. Les moralistes des XVIe et XVIIe siècles règnent sur une resserre de banalités, mais tant est vif leur soin de le dissimuler qu'ils élèvent alentour un véritable palais de nue et de spéculations. Un palais idéal abrite et emprisonne l'expérience vécue. De là une force de conviction et de sincérité que le ton sublime et la fiction de l' « homme universel » raniment, mais d'un perpétuel souffle d'angoisse. L’analyste s'efforce d'échapper par une profondeur essentielle à la sclérose graduelle