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L’existence d’un "paradigme" scientifique suppose la constitution préalable d'une communauté de chercheurs ayant reçu la même formation, assimilé la même littérature technique dont ils ont retiré le même enseignement. Dans ce cadre, un "paradigme"' peut être considéré comme l'ensemble des croyances, des valeurs et des techniques qui sont communes aux membres du groupe considéré à une époque considérée. C'est ce que Kuhn appelle la "matrice disciplinaire". Kuhn insiste sur le fait que ces matrices disciplinaires permettent à la science de produire des savoirs solides, fortement corrélés et produisent des explications du monde qui servent les sociétés dans lesquelles elles s’épanouissent. 2.
Tandis qu'aux documents du passé les historiens appliquent leurs bonnes vieilles méthodes éprouvées, des hommes de plus en plus nombreux consacrent, non sans fièvre parfois, leur activité à l’étude des sociétés et des économies contemporaines : deux classes de travailleurs faites pour se comprendre et qui, à l’ordinaire, se côtoient sans se connaître. Ce n'est pas tout. Parmi les historiens eux-mêmes, comme parmi les enquêteurs que préoccupe le présent, bien d'autres cloisonnements encore : historiens de l’antiquité, médiévistes et « modernisants » ; chercheurs voués à la description- des sociétés dites «civilisées» (pour user d'un vieux terme dont le sens, chaque jour se modifie davantage) ou attirés au contraire par celles qu’il faut bien, faute de meilleurs mots, qualifier soit de « primitives», soit d'exotiques... Rien de mieux, bien entendu, si chacun, pratiquant une spécialisation légitime, cultivant laborieusement son propre jardin, s'efforçait néanmoins de suivre l’œuvre du voisin. Mais les murs sont si hauts que, bien souvent, ils bouchent la vue. Que de suggestions précieuses, cependant, sur la méthode et sur l'interprétation des faits, quels gains de culture, quels progrès dans l’intuition naîtraient, entre ces divers groupes, d'échanges intellectuels plus