Théories et pratiques
Pierre BOURDIEU
Édition du Seuil (2000), 165 p.
Cet ouvrage s’adresse aux théoriciens autant qu’aux praticiens, et a donc un caractère double : théorique et pratique, ce qui rend difficile la réflexion plus approfondie de chacun des deux aspects. Il découle d’une réflexion menée dans un univers familier et consiste en une « expérimentation épistémologique ». La démarche est inverse de celle de l’ethnologue, c’est « l’effet d’objectivation » que l’on observe, c’est-à-dire la transformation de familiarité en connaissance.
1- L’observateur observé
Bourdieu se propose d’étudier les travers de l’objectivité, sans toutefois réhabiliter la subjectivité, en établissant les conditions de possibilité du rapport du savant à son objet. Les conditions sociales d’une catégorie particulière d’agents est propre à favoriser certains types de théorie. En effet, l’analyse de la position sociale des intellectuels montre leur appartenance à une fraction dominée de la classe dominante, or ils émettent des jugements sur le monde social qui les entourent et peuvent donc être portés à tromper, quand bien même ils seraient de bonne foi. Le principe de l’exercice d’activités théoriques présuppose une coupure épistémologique mais aussi sociale. Il faut donc établir les conditions sociales de sa propre théorie. L’ethnologue, lorsqu’il déchiffre risque de tomber dans la dérive herméneutique : en effet il livre plus l’explicite de la pratique que sa logique d’action. La langue, par exemple, est souvent réduite à un instrument de déchiffrement et n’est pas rendue alors comme moyen d’action. Aussi l’anthropologue doit-il mettre en question les présupposés inclus dans sa position d’observateur. Afin d’éviter l’ethnocentrisme, il faut se garder de transformer toute exclusion de faits en un choix théorique. La pratique est différente de l’expérience vécue, le chercheur doit donc réussir à « se laisser porter sans se faire emporter ».