Introduction :

Issu d'une famille bordelaise aisée, François Mauriac est un écrivain, critique et journaliste majeur du milieu du XXème siècle. Son intérêt pour le journalisme, et sa fascination pour les criminels et les affaires de poisons, lui font découvrir dans les années 20 le fait divers de Blanche Canaby (empoisonneuse de son mari, acquittée par le tribunal). De ce procès naîtra le personnage de Thérèse Desqueyroux. Observateur perspicace des milieux et des mœurs de provinces, Mauriac l'est aussi du comportement humain. Aussi, ce roman se caractérise surtout par l'étude de son héroïne, comme le titre de l'oeuvre l'indique...
Le renversement de l'action brise les acquis des romans "policiers" habituels. On ne commence en effet pas par le meurtre mais par le dénouement (le verdict d'une instruction judiciaire). François Mauriac, en adoptant, la majeure partie du récit, le point de vue de son héroïne, réussit à créer une atmosphère particulière et à présenter une situation singulière.
Comment Mauriac parvient à être à la fois le témoin et le complice de son personnage ?
Dans un premier temps nous analyserons l'environnement et la tension ambiante, et dans un deuxième, la construction des personnages et l'efficacité du dialogue.

I. Une atmosphère

a/ L'environnement

En quelques lignes, l'atmosphère pesante de la bonne société bordelaise de l'époque happe le lecteur. Le livre s'ouvre en effet sur une description peu accueillante (voire même oppressante) du tribunal "par un couloir dérobé nous sortons du palais de justice pour débouché sur une petite place déserte où un homme au col relevé, se tapi auprès d'un platane". Avec Thérèse Desqueyroux, nous sommes saisi par le contact de la brume et nous descendons les marches mouillées. Toute cette scène revêt un caractère crépusculaire : Mauriac inclut donc dans ce premier chapitre une véritable fonction programmative (Thérèse a scellé son destin, et malgré son acquittement, sera vouée au malheur).