Travail et espaces frontaliers

« Triangles de développement », « zones de solidarité », « pays-frontières » sont des expressions couramment utilisées pour désigner les espaces frontaliers. Leur diversité souligne le caractère multiple de ces zones qui se font le reflet des dynamiques frontalières, et qui sont perçues différemment selon le regard que l’on porte sur elles. En effet, alors que B. Stary parle d’« espaces périphériques nationaux, d’espaces économiques qui s'articulent sur plusieurs Etats-nation, s’appuyant sur (et étant régis par) plusieurs éléments tels que les flux de produits passant d'un Etat à un autre en fonction et au gré des opportunités », d’autres parlent de « régions informelles », se basant sur les activités commerciales et artisanales qui s’y déroulent, ou encore d’ « espaces d’échanges réels », soumis à des régulations différentes et profitant de cette situation pour développer des activités économiques particulières. Complémentaires, ces définitions peuvent évidemment être remises en cause séparément, mais elles permettent de mettre en relief une certaine propension des espaces frontaliers à transcender la frontière, à tenter de s’en affranchir, et cela même alors qu’ils s’articulent autour de celle-ci, et qu’ils sont soumis aux contraintes qu’elle fait naître.
Ce paradoxe fait de l’espace frontalier un espace double, mis en place autour d’une ligne censée « séparer deux systèmes politiques et institutionnels différents, mais ayant aussi un rôle de contact et d’intermédiation, entre des sociétés et des collectivités différentes » (R. Ratti), c’est-à-dire autour d’une ligne qui, selon Renard, est aussi bien « suture » que « coupure ». Au vu de ceci, on peut être amené à considérer- de façon très schématique- l’espace frontalier comme un lieu de rencontre de deux conceptions politiques, économiques et socio-culturelles : un lieu où l’identité des acteurs est questionnée. C’est ce questionnement, et le fait que les espaces frontaliers