Turcaret
On pense que, dans Turcaret, Lesage voulut se venger de quelques traitants auxquels il devait peut-être ses déboires financiers. L’expiation fut sanglante. Avant même de paraître, Turcaret avait excité contre elle les mêmes oppositions que Tartuffe. Les financiers menacés firent jouer toutes les cabales, essayèrent toutes les influences, même celle de la séduction de l’argent envers l’auteur. Ils lui offrirent, dit-on, cent mille livres pour retirer sa pièce et se virent refuser. Ce n’est que lorsque le dauphin, fils de Louis XIV, intervint pour mettre un terme aux difficultés en envoyant aux comédiens du roi l’ordre formel « d’apprendre la pièce et de la jouer incessamment » que put enfin avoir lieu la représentation de Turcaret.
Turcaret est la satire la plus acerbe à la fois et la plus gaie qu’on ait jamais faite. Le dialogue est aussi parfait que les incidents sont heureux. L’humiliation dont l’auteur accable le vice reste plaisante sans, pour autant, jamais rebuter. Le traitant Turcaret apparaît dans toute sa laideur morale, avec son insolence et sa bassesse, son ostentation de prodigalités, ses folies et ses débauches, où la grossièreté native perce sous la vanité. Tous ces traits, qui sont