Trente et un mille habitants ont été évacués, avant l'inondation de la zone en 2000, pour être relogés dans des appartements neufs construits en haut de la colline, dans le "nouveau Halfeti". Le village voisin, Savasan, n'est plus accessible qu'en bateau. Le minaret de la mosquée et un pylône électrique dépassent des eaux bleues du lac. Le reste est englouti. "Nous passons au-dessus de mon école", montre le capitaine du bateau. Zeugma, la cité antique du IIIe siècle av. J.-C., découverte juste avant la mise en eau, a connu le même sort.Le long de l'Euphrate, la Turquie a disposé cinq grands barrages comme celui-ci, destinés à l'irrigation ou à la production d'énergie. Deux autres sont en construction. Quelques kilomètres au sud de Birecik, celui de Karkamis a été dressé juste à la frontière avec la Syrie. Plus au nord, c'est le barrage Atatürk, ouvrage central du Plan pour l'Anatolie du Sud-Est (GAP), un projet de 22 barrages disséminés sur le Tigre et l'Euphrate et leurs affluents.
Ces retenues d'eau, qui régulent artificiellement le débit, sont dénoncées par les défenseurs de l'environnement, lesquels ont constitué, samedi 14 mars à Istanbul, un tribunal symbolique pour condamner trois projets de barrages. Mais aussi par la Syrie et l'Irak, également traversés par les deux grands fleuves qui se rejoignent pour terminer leur course dans le Golfe persique. Depuis plus de quatre-vingts ans, les eaux de l'ancienne Mésopotamie sont l'objet d'une bataille diplomatique entre la Turquie, qui tient les sources, et ses voisins qui militent pour un statut "international" pour le Tigre et l'Euphrate.
A plusieurs reprises, l'ombre d'une guerre de l'eau a même plané sur la région ; dans les années 1970, entre la Syrie, qui construisait ses premiers barrages, et l'Irak. En 1990, c'est la Turquie qui provoque un incident en fermant les vannes du fleuve durant un mois, pour remplir le lac du barrage Atatürk. Plus tard, Ankara agitera la menace pour faire plier la Syrie,