TXS_LA_VOYAGES
5
10
15
20
25
30
Moi, qui le plus souvent voyage pour mon plaisir, je ne me guide pas si mal. S'il ne fait pas beau à droite, je prends à gauche ; si je me trouve peu apte à monter à cheval, je m'arrête. En faisant ainsi, je ne vois en vérité rien qui ne soit aussi agréable et aussi confortable que ma maison. Il est vrai que je trouve la superfluité 1toujours superflue2 et que je remarque de la gêne même dans le raffinement et dans l'abondance. Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi ? J'y retourne ; c'est toujours mon chemin. Je ne trace [à l'avance] aucune ligne déterminée, ni droite ni courbe. Ne trouvé3-je pas à l'endroit où je vais ce que l'on m'avait dit ? Comme il arrive souvent que les jugements des autres ne s'accordent pas avec les miens et que je les ai trouvés le plus souvent faux, je ne regrette pas ma peine : j'ai appris que ce qu'on disait n'y est pas.
J'ai une constitution physique qui se plie à tout et un gout qui accepte tout, autant qu'homme au monde 4. La diversité des usages d'un peuple à l'autre ne m'affecte que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison
[d'être]. Que ce soient des assiettes d'étain, de bois ou de terre cuite, [que ce soit] du bouilli ou du roti, du beurre ou de l'huile de noix ou d'olive, [que ce soit] du chaud ou du froid, tout est un 5 pour moi et si un que6, vieillissant, je blame cette aptitude [qui me vient] d'une riche nature et que j'aurais besoin que la délicatesse [du gout] et le choix arrêtassent le manque de mesure de mon appétit et parfois soulageassent mon estomac. Quand je me suis trouvé ailleurs qu'en France et que, pour me faire une politesse, on m'a demandé si je voulais être servi à la française, je m'en suis moqué et je me suis toujours précipité vers les tables les plus garnies d'étrangers.
J'ai honte de