Verlaine chair
Paul Verlaine 1896 Texte établi d’après Wikisource
- EDITION LIVRES POUR TOUS http://www.livrespourtous.com/ Avril 2009
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Prologue
L’amour est infatigable ! Il est ardent comme un diable, Comme un ange il est aimable. L’amant est impitoyable, Il est méchant comme un diable, Comme un ange, redoutable. Il va rôdant comme un loup Autour du cœur de beaucoup Et s’élance tout à coup Poussant un sombre hou-hou ! Soudain le voilà roucouLant ramier gonflant son cou. Puis que de métamorphoses ! Lèvres rouges, joues roses, Moues gaies, ris moroses, Et, pour finir, moulte chose Blanche et noire, effet et cause ; Le lys droit, la rose éclose...
Chanson pour elles
Ils me disent que tu es blonde Et que toute blonde est perfide, Même ils ajoutent « comme l’onde ». Je me ris de leur discours vide ! Tes yeux sont les plus beaux du monde Et de ton sein je suis avide. Ils me disent que tu es brune, Qu’une brune a des yeux de braise Et qu’un cœur qui cherche fortune S’y brûle... Ô la bonne foutaise ! Ronde et fraîche comme la lune, Vive ta gorge aux bouts de fraise ! Ils me disent de toi, châtaine : Elle est fade, et rousse trop rose. J’encague cette turlutaine, Et de toi j’aime toute chose De la chevelure, fontaine D’ébène ou d’or (et dis, ô poseLes sur mon cœur), aux pieds de reine.
Autre
Car tu vis en toutes les femmes Et toutes les femmes c’est toi. Et tout l’amour qui soit, c’est moi Brûlant pour toi de mille flammes. Ton sourire tendre ou moqueur, Tes yeux, mon Styx ou mon Lignon, Ton sein opulent ou mignon Sont les seuls vainqueurs de mon cœur. Et je mords à ta chevelure Longue ou frisée, en haut, en bas, Noire ou rouge et sur l’encolure Et là ou là — et quels repas ! Et je bois à tes lèvres fines Ou grosses, — à la Lèvre, toute ! Et quelles ivresses en route, Diaboliques et divines ! Car toute la femme est en toi Et ce moi que tu multiplies T’aime en toute Elle