Yasmina khadra et l'écriture
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58 pages
Le choix d'une langue | A la question "Pourquoi le français?" Yasmina Khadra répond : "Je n'ai pas choisi. Je voulais écrire. En russe, en chinois, en arabe. Mais écrire! Au départ, j'écrivais en arabe. Mon prof d'arabe m'a bafoué, alors que mon prof de français m'a encouragé." Boutade? On peut le penser. Elle paraît pourtant dire l'essentiel. Une langue est choisie pour devenir l'outil d'une exigence : écrire. Le plus souvent, c'est la langue natale qui devient cet outil. Mais on compte nombre d'exceptions. Et ainsi l'Algérien Mohamed Moulessehoul, après avoir écrit en arabe, devient Yasmina Khadra, écrivain de langue française, après et avec quelques autres. Oui, mais voilà : il y a l'histoire. Le français fut hier la langue du colonisateur. Alors que fallait-il, que faut-il, en faire de ce français : s'en emparer ou l'oublier? Et naît ainsi un débat nourri de considérations idéologiques qui l'exaspèrent, comme si l'élection d'une langue supposait, à quelque titre, l'indignité de l'autre. Ici, des arguments de type rivalorien : universalité, clarté, rigueur et splendeur de la langue française. Le français accorderait à l'écrivain ce que l'autre langue ne saurait tout à fait lui offrir. En face, on reprend l'argumentaire pour en inverser la signification, en montrer l'inanité et l'arrogance, au nom de quoi on glorifiera l'usage de l'arabe dans l'écriture romanesque et poétique pour aller jusqu'à dénoncer, chez ce§ux qui s'y refusent, une sorte d'allégeance culturelle et linguistique à l'ancien pouvoir colonial . En Algérie le fiévreux débat est-il en voie de s'apaiser? Il nous est difficile de l'affirmer. Il n'en est pas toujours des grands sujets de polémique comme de ces frontières dont parlait Louise Michel, lignes de craie sur le sol que nos peurs sacralisent, et qu'il suffirait de franchir pour les effacer. A l'évidence, en notre affaire, on ne peut escamoter le problème des destinataires de cette littérature algérienne de langue française, problème