Ziméo
Publication: Source : Livres & Ebooks
Les affaires de mon commerce m’avoient conduit à la Jamaïque ; la température de ce climat brûlant humide avoit altéré ma santé, je m’étois retiré dans une maison située au penchant des montagnes, vers le centre de l’isle ; l’air y étoit plus frais le terrain plus sec qu’aux environs de la ville ; plusieurs ruisseaux serpentoient autour de la montagne qui étoit revêtue de la plus belle verdure ; ces ruisseaux alloient se rendre à la mer, après avoir parcouru des prairies émaillées de fleurs des plaines immenses couvertes d’orangers, de cannes à sucre, de cassiers, d’une multitude d’habitations. La jolie maison que j’occupois appartenoit à mon ami Paul Wilmouth de Philadelphie ; il étoit, comme moi, né dans l’Eglise primitive : nous avions à-peu-près la même manière de penser ; sa famille composée d’une femme vertueuse de trois jeunes enfants, ajoutoit encore au plaisir que j’avois de vivre avec lui. Lorsque mes forces me permirent quelque exercice, je parcourois les campagnes, où je voyois une nature nouvelle des beautés qu’on ignore en Angleterre en Pensilvanie ; j’allois visiter les habitations, j’étois charmé de leur opulence ; les hôtes m’en faisoient les honneurs avec empressement ; mais je remarquois je ne sçais quoi de dur de féroce dans leur physionomie dans leurs discours ; leur politesse n’avoit rien de la bonté ; je les voyois entourés d’esclaves qu’ils traitoient avec barbarie. Je m’informois de la manière dont ces esclaves étoient nourris, du travail qui leur étoit imposé, je frémissois des excès de cruauté que l’avarice peut inspirer aux hommes. Je revenois chez mon ami, l’ame abattue de tristesse, mais j’y reprenois bientôt la joie ; là sur les visages noirs, sur les visages blancs, je voyois le calme la sérénité. Wilmouth n’exigeoit de ses esclaves qu’un travail modéré ; ils travailloient pour leur compte deux jours de chaque semaine ; on abandonnoit à chacun d’eux un