A quoiservent les livres
Pascal Quignard
Lire est le seul moyen de vivre plusieurs fois. Pierre Dumayet
Des yeux d’enfants penchés sur un livre, cela n’est pas qu’une image douce de l’album de famille, un cliché attendri par nos chères têtes blondes (et brunes et rousses). Quitte à radoter, on ne se lassera pas de prouver par A plus B que la lecture reste le medium majeur de l’épanouissement culturel de l’homme. Et qu’est-ce qu’un homme, sinon un ancien enfant ?
Ne craignons pas non plus de seriner cette lapalissade. L’éveil intellectuel de notre espèce se lève tôt. Si tôt, que le corps suit de loin l’essor de l’esprit. Si tôt, qu’il est prouvé que l’avenir culturel (donc professionnel) de notre espèce est quasiment scellé avant l’âge de dix ans ! C’est dire la rôle capital du livre dans la formation de l’intelligence, l’acquisition d’atouts essentiels, bref l’apprentissage de la vie par les très jeunes.
Oui, il faut lire lire , arracher au surmenage des jours la temps nécessaire à la lecture , car le livre véhicule du rêve et de l’évasion , car la lecture est toujours une aventure .
Ne peut-on lire une image, un paysage, les attitudes que nous offrent nos semblables…? Si lire consiste à déchiffrer, à « traduire en clair » ce qui est « écrit », n’est-ce pas aussi une définition de la vie ?
Schématiquement, lire, c’est recevoir, écrire c’est donner. Lire et écrire, au sens large, c’est échanger, c’est vivre en société, une société qui a besoin de vous, comme on a besoin d’elle. On peut préférer la lecture à l’écriture, ou l’écriture à la lecture, mais les deux sont bien complémentaires. Avoir de l’expérience, c’est avoir beaucoup reçu (beaucoup « lu ») et beaucoup donné (beaucoup « écrit »). Recevoir, ça vient très vite, on commence