L'individualisme moderne est-il a l'origine des totalitarismes
« Peut-on dire que l’individualisme moderne est à l’origine du totalitarisme ? »
« L’individualisme est une expression récente qu’une idée nouvelle a fait naître. Nos pères ne connaissaient que l’égoïsme. » Voici comment Alexis de Tocqueville débute sa description de la chimère individualiste qui ronge nos démocraties modernes. Le terme d’individualisme est en effet un mot récent qui désigne une réalité nouvelle, une vision de l’homme et de la société qui n’existait pas avant la modernité. Héritée des grecs (Platon, Aristote…) et de la chrétienté (Pères de l’Eglise, Saint Thomas…), la vision classique pensait l’univers et le monde comme un cosmos ordonné voulu et maintenu par Dieu. Quant à la société, elle était perçue comme un tout organisé et hiérarchisé où chacun avait sa place pour que le tout fonctionne. Puis, face à cet holisme parfois excessif, de nouvelles théories sont apparues, d’abord avec Machiavel et Hobbes, puis avec les grands théoriciens du XVIIIème et du XIXème siècle, remettant totalement en cause la pensée classique. C’est ainsi que le libéralisme arriva. La société n’était alors perçue que comme une somme d’individus n’existant que par et pour eux mêmes, protagonistes de l’histoire et acteurs des faits sociaux. Triomphant aussi bien en Europe qu’en Amérique, la pensée libérale, héritière de la pensée des lumières, est venue structurer la modernité. Intrinsèquement liée au libéralisme, une nouvelle réalité sociale qu’on nomme l’individualisme a alors émergée dans les pays démocratiques. Différent de l’égoïsme qui consiste en un amour exagéré de soi-même et que connaissaient les hommes avant l’avènement de l’individualisme, Tocqueville définit cette nouvelle réalité comme « un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis, et ainsi, s’étant créé une petite société, il abandonne volontiers la