L'amant
XV Skandinaviske romanistkongress Oslo 12.-17. august 2002
Les états successifs de L’amant. Observations faites à partir de deux manuscrits de Marguerite Duras
Les études durassiennes connaissent en ce moment une période fructueuse. Marguerite Duras est morte il y a six ans, en 1996, laissant derrière elle une œuvre qui s’avère, maintenant qu’on a la possibilité de l’envisager dans sa globalité, d’une plus grande richesse qu’on n’avait pu le prévoir en prenant connaissance de chaque ouvrage isolément. De plus, les chercheurs ont depuis quelque temps accès à des manuscrits autographes, déposés par l’auteur aux archives de l’IMEC (Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine) à Paris, qui offrent la possibilité d’étudier la genèse de certaines œuvres, notamment celles qui forment ce qu’on appelle « le cycle du Barrage » sur lequel je prépare, depuis quelques années, une étude d’ensemble1. Ce « cycle » réunit les textes qui ont pour cadre l’Indochine française pendant les années trente et qui relatent l’adolescence d’une jeune fille d’origine française (l’alter-ego de l’auteur) qui grandit là-bas : Un barrage contre le Pacifique (1950), L’Eden-Cinéma (1977), L’amant (1984) et L’amant de la Chine du Nord (1991). Dans la présente étude, ce sont deux versions manuscrites de L’amant qui retiendront notre attention. L’amant est un texte d’une importance capitale dans la production littéraire de Marguerite Duras. C’est un livre de la maturité qui réunit les fils thématiques de l’œuvre toute entière. L’ouvrage s’impose à la fois par sa simplicité et par sa complexité : c’est un chef-d’œuvre du point de vue de la technique narrative qui prouve que la romancière jouit encore, à l’âge de soixante-dix ans, de la plénitude de sa force et qu’elle a gardé intacte sa capacité de surprendre. Une lecture superficielle du livre peut donner l’impression que c’est l’association libre des souvenirs qui en constitue le