L'anarchisme de paul goodman
L’anarchisme pragmatique de Paul Goodman
René Fugler
ans les années soixante, Paul Goodman était une des personnalités les plus connues et les plus influentes auprès des milieux intellectuels critiques et de la jeunesse contestataire engagée dans le mouvement de la contre-culture aux États-Unis. Romancier, poète et psychothérapeute, il devait sa réputation essentiellement à ses analyses et critiques du système scolaire, de l’urbanisme et de la technologie, mais aussi à son engagement contre la guerre du Vietnam. Ses prises de position, qui s’exprimaient à travers une grande variété de livres, d’articles et de conférences, étaient centrées sur une philosophie anarchiste qui préconisait l’action non-violente, l’insertion d’un individu autonome dans des communautés ouvertes et créatrices, la participation à des initiatives pouvant transformer dans le présent les hommes et leur vie sociale. Goodman, pourtant, est peu connu en France, même dans la mouvance libertaire qui pourtant n’ignore pas tout de l’anarchisme américain : des textes de Murray Bookchin, de dix ans son cadet, ou d’autres plus jeunes, comme Hakim Bey ou même John Zerzan, qui sont loin d’avoir atteint la même notoriété, circulent et sont discutés. Qu’est-ce qui a pu faire barrage ? Sans doute le refus de l’idée d’une révolution violente, et les propositions de formes d’action et de coopération considérées alors comme trop réformistes. Ce qui m’amène maintenant à Goodman, c’est la réédition de deux ouvrages de Bernard Vincent, professeur à l’université d’Orléans, qui lui sont consacrés1. Ils sont désormais réunis en un seul volume. Le premier, Paul Goodman et la reconquête du présent, a été publié d’abord
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97 Réfractions 18
1. Bernard Vincent, Présent au monde : Paul Goodman, Bordeaux, L’exprimerie, 2003, 474 p., 30 euros.
Une voix inimitable
Ce qu’il note d’emblée, c’est que Goodman était un écrivain inclassable, sans attache avec un clan, donc perturbant pour l’ordre