Si le titre pointe sur le péché capital de l’avarice, ce vice n’est pas l’unique manière d’envisager les rapports à l’argent dans cette pièce. En fait, Molière aborde aussi deux autres questions de société qui, pour rester secondaires, n’en sont pas moins fort développées. En premier lieu, le dramaturge moraliste évoque la prodigalité du fils qui, bien entendu, réagit à la pingrerie de son père. Mais, dans son refus des excès paternels, Cléante se livre lui aussi à la démesure. Molière se moque de cette propension de la jeunesse à vouloir suivre une mode dispendieuse et mener grand train. Non sans humour, Molière place dans la bouche paternelle un reproche de style précieux : « vous donnez furieusement dans le marquis ». Il est vrai que perruques et rubans sont surévalués par les commerçants qui profitent de l’aubaine. Ensuite est clairement posé le rôle de l’argent dans le destin des filles, notamment lorsqu’elles doivent contracter une union matrimoniale. Le mariage, dans la bouche de l’avare, est d’abord une transaction commerciale où sont clairement examinés profits et pertes. Si une telle appréciation n’étonne pas chez Harpagon, elle demeure présente en arrière-plan pour les autres personnages. Molière est ainsi le reflet des préoccupations de son temps. Le siècle de Louis XIV voit l’ascension de la bourgeoisie qui se précipite sur les terres, les « offices » et l’anoblissement. Dans une telle stratégie, les unions matrimoniales jouent un rôle prédominant. Molière a noté dans d’autres pièces combien une certaine noblesse a pu échapper à la pauvreté en contractant de riches mariages bourgeois. Dans cette société où le mariage arrangé par les parents est le modèle dominant, les familles négocient en premier lieu la dot. Enfin Molière aborde le rôle de l’argent dans ses rapports avec le pouvoir. Celui qui a de l’argent peut imposer sa volonté à ses semblables. Il est écouté sinon entendu, craint à défaut d’être respecté. La fortune donne du poids à ses