L'empirisme de Hume Kant a dit de Hume qu'il est le philosophe qui "vint interrompre [son] sommeil dogmatique, et donna une tout autre orientation à [ses] recherches dans le domaine de la philosophie spéculative" (Prolégomènes, 260, p. 18). Cela ne peut étonner dans la mesure où la philosophie de Hume est avant tout critique. En ce sens, elle prend place dans le courant d'idées qui, au XVIIIe siècle, ruine les systèmes métaphysiques que le XVIIe siècle avait élaborés, en s'attaquant essentiellement aux deux notions qui en constituaient les fondements : la notion de substance et la notion de cause. On peut ainsi considérer Hume comme le fondateur de la philosophie moderne, le précurseur du kantisme et de la phénoménologie. Avec lui en effet, le problème central de la philosophie semble changer. Il n'est plus celui de l'Être, mais celui du savoir humain. Il devient: "Qu'est-ce que connaître ?" et "Comment connaissons-nous ?" I. Les limites de la connaissance. Selon Hume, "la philosophie morale, ou science de la nature humaine, peut se traiter de deux manières différentes" (Enquête sur l'entendement humain, p. 47), chacune d'elles possédant son mérite propre. "L'une considère l'homme principalement comme né pour l'action" (Ibid.), et tente d'améliorer ses mœurs en le menant à la vertu, tandis que l'autre considère "l'homme sous le jour d'un être raisonnable plutôt qu'actif" (Ibid.) et tente d'améliorer son entendement. L'homme en effet est un "être actif" et un "être sociable non moins que raisonnable" (EEH, p. 50), et "il semble […] que la nature a désigné un genre mixte de vie comme le plus convenable pour la race humaine" (EEH, p. 51). La philosophie, si elle est utile en elle-même par "la satisfaction d'une innocente curiosité" (EEH, p. 53), doit donc permettre d'apporter une certaine exactitude à l'activité humaine. Or, cette exactitude passe par un examen, une enquête sur les pouvoirs de l'entendement, de manière à définir les bornes du savoir et