L'homme et le monde
La question de l’homme, l’homme comme question. Nietzsche relevait, dans la formule « l’homme et le monde » une incongruité telle qu’elle le faisait éclater de rire[1]. Quelle prétention, ce minuscule « et » unissant deux réalités parfaitement incommensurables ! Quoi ? comment penser dans une même phrase l’infinité et la puissance du monde et la minuscule créature humaine qui, seule sur son ridicule rocher s’arroge le droit d’interpeller l’univers dans un « y’a quelqu’un ? » pathétique ?
C’est également dans ces termes que le philosophe Pascal, au moment où la science naissante rappelait à l’homme sa petitesse, formulait une angoisse nouvelle :
Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie[2]
Par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point, par la pensée, je le comprends. [3]
La première citation exprime le désarroi de l’homme moderne face à ce que sa science vient de découvrir : le monde n’est pas clos et ordonné, comme on le pensait depuis l’antiquité, mais au contraire sans limites et vide... La seconde illustre par un jeu de mots (« comprendre ») la position paradoxale de l’homme face au monde : écrasé par sa toute puissance et engendré par lui d’une part, capable de le penser, et au-delà de le transformer, d’autre part.
C’est dire que la relation de l’homme au monde est à construire, que, contrairement à l’animal, l’homme ne vient pas au monde avec un mode d’emploi, un instinct qui lui permette de se situer et d’y survivre. Cela signifie aussi que cette relation est problématique, et que les diverses sociétés ont répondu et géré diversement cette insertion de l’homme dans le monde. Cela signifie, enfin, que c’est l’homme lui-même qui est et reste une question, comme nous nous proposons de le montrer ci-après. 1 - L’homme, « animal politique »
Le monde de l’homme est le monde de la culture ; et celle-ci s’oppose à la nature avec la même rigueur quel que soit le niveau des civilisations