L'impérialisme olfactif chez huysmans
“ Je cherche des parfums nouveaux, des fleurs plus larges, des plaisirs inéprouvés.” Cette profession de foi de la Chimère dans La Tentation de Saint-Antoine de Gustave Flaubert pourrait être celle de Joris-Karl Huysmans. Il l’a d’ailleurs intégrée dans son roman le plus connu A Rebours comme symbole de cette quête hors des limites d’une nature étroite et vouée à l’extinction. Si Huysmans se reconnaît à la fois dans le personnage de la “fugace chimère” et dans la tension d’une quête de l’inéprouvé, ce peut être parce que son oeuvre repose toute entière sur une sensorialité obsédante et fugitive, l’odorat et qu’elle se structure à partir d’une sorte d’impérialisme de ce sens sur tous les autres. Plus faisandé que Baudelaire, moins macabre que Villiers de l’Isle Adam ou que Maurice Rollinat, Huysmans a en effet exalté les névroses fin de siècle en les fondant au coeur de la relation sensorielle entre le nez et le monde. Son parcours olfactif exemplaire met en scène plusieurs modes de théâtralisation de l’odeur: un mode littéraire où l’odeur figure le passage de l’esthétique naturaliste à l’esthétique symboliste, un mode mythique où l’odeur devient la figure obsédante d’un Moi qui aspire à l’anosmie, et un mode mystique d’exaltation et d’exhalaison du corps qui ne souhaite en se dégageant du monde qu’à se dissiper dans l’éther.
Le délétère fait style: Dès ses premiers sonnets érotiques, Huysmans souscrit à une littérature qui puise dans les bas-fonds de la langue et de la sensorialité, les sucs de son épanouissement. Dans Marthe (1876) et Les Soeurs Vatard (1879), sa langue fleure peu quoique les notations olfactives du milieu des cousettes et des théâtreuses passent telles des vapeurs sur un Paris fin de siècle. Dans Sac au dos (1880) flotte le relent scatolé des dysenteries soldatesques de 1870 et la guerre métaphorisée par le gargouillement intestinal, devient excrémentielle. Avec A Rebours (1884) sa prose