L'incendie
On a vu plus haut que la critique a coutume de considérer Mohammed Dib à partir de ses premiers romans publiés, ou de certaines de ses nouvelles, comme le grand écrivain réaliste de l'Algérie. Et « réalisme » est ici bien souvent synonyme d’« engagement », au sens du stéréotype idéologique le plus courant, dont il l'est plus besoin de démontrer qu'il cache parfois le plus grand conformisme. Conformisme de parti, clôture du sens, et finalement perte du réel au profit de clichés descriptifs me semblent être le lot habituel de ce type de « réalisme », surtout lorsqu'il vient après la bataille. Je l'ai montré dans un autre ouvrage [1].
Mohammed Dib n'a pas dédaigné un réalisme d'école proche de grands modèles « classiques » comme Maupassant par exemple. Bien des pages de la trilogie « Algérie », mais aussi d'Un Eté africain, ou de nombreuses nouvelles comme « La Cuadra » en témoignent. Ses premiers articles par ailleurs montrent que ce réalisme répondait chez lui à une nécessité militante qu'il ne faut pas sous-estimer.
Pourtant les premiers textes de l'auteur sont d'une tout autre veine, et les « manières » de Dib ne sont pas successives, mais simultanées, parallèles et complémentaires... Plus : elles ne s'excluent pas, mais produisent dans leur rencontre un sens supplémentaire. Et c'est précisément là que l'on trouvera cette réflexion sur le langage et ses pouvoirs qui constitue selon moi l'unité essentielle, la justification même de l'oeuvre. Unité que perd aussi bien une critique dénotative pauvrement attachée aux contenus successifs de textes dissemblables de ce fait, qu'une critique structurale qui détache un texte de la continuité de l'oeuvre, et en perd dès lors aussi la signification majeure.
Dans la mesure où les textes de Dib antérieurs à l'Indépendance de l'Algérie ont été de loin les plus décrits, et particulièrement la fameuse trilogie, je ne les ai que peu convoqués ici. Seul L'Incendie les représente. Mais même pour