L'interprétation
Dès que nous ne sommes plus dans la familiarité d’une pratique courante, il nous faut retrouver de quoi les signes sont les signes. Ainsi l’interprétation (le latin interpretatio traduit le grec hermêneia) est d’abord le travail de compréhension des œuvres venant d’ailleurs, et notamment du passé : signes gravés sur une pierre, papyrus, texte sacré, etc. Capacité pour Platon qu’ont les poètes d’être les interprètes des dieux, l’herméneutique sera ensuite pendant longtemps le travail d’exégèse des Ecritures, considérées comme symbole d’une vérité cachée dont il faut savoir dévoiler le sens religieux profond au delà du sens littéral. La notion d’interprétation comporte cette idée que le sens ne se livre pas d’emblée dans toute sa plénitude achevée, mais qu’il y a un effort à produire pour le restituer ou l’accomplir. Son domaine d’application ne se limite donc aucunement à certains domaines spécialisés, mais s’étend à tout le champ du sens.
L’historicité de toute œuvre demande interprétation:
Toute œuvre, même à prétention universelle, est le produit d’une époque. Plus le temps passe, plus cette œuvre perd les renvois évidents immédiats qui en permettaient la compréhension : le sens des mots dérive, des sous-entendus se perdent, d’autres se créent, les références explicites ou implicites auxquelles elle renvoie deviennent mal comprises, puis incomprises, les schémas culturels qui lui servaient de cadre s’évanouissent. Il y a une sorte de réification, de transformation en chose : de parole vivante qu’elle était, elle devient insensiblement objet culturel, étrange en soi comme tout objet, affaire de spécialiste.
Tout lecteur, tout spectateur est prisonnier d’un horizon dont il n’a que fort vaguement conscience. « L’horizon est le cercle visuel qui embrasse et inclut tout ce qui est visible d’un point précis. Appliquant ce trait à la conscience pensante, nous parlons d’étroitesse d’horizon, d’élargissement possible de l’horizon, d’ouverture