L'invitation au voyage
L'invitation au voyage
1 Mon enfant, ma sœur, 2 Songe à la douceur 3D'aller là-bas vivre ensemble! 4Aimer à loisir, 5Aimer et mourir 6Au pays qui te ressemble! 7Les soleils mouillés 8De ces ciels brouillés 9Pour mon esprit ont les charmes 10Si mystérieux 11De tes traîtres yeux, 12Brillant à travers leurs larmes.
13Là, tout n'est qu'ordre et beauté, 14Luxe, calme et volupté.
15Des meubles luisants, 16Polis par les ans, 17Décoreraient notre chambre; 18Les plus rares fleurs 19Mêlant leurs odeurs 20Aux vagues senteurs de l'ambre, 21Les riches plafonds, 22Les miroirs profonds, 23La splendeur orientale, 24Tout y parlerait 25À l'âme en secret 26Sa douce langue natale.
27Là, tout n'est qu'ordre et beauté, 28Luxe, calme et volupté.
29Vois sur ces canaux 30Dormir ces vaisseaux 31Dont l'humeur est vagabonde; 32C'est pour assouvir 33Ton moindre désir 34Qu'ils viennent du bout du monde. 35— Les soleils couchants 36Revêtent les champs, 38Les canaux, la ville entière, 39D'hyacinthe et d'or; 40Le monde s'endort 41Dans une chaude lumière.
42Là, tout n'est qu'ordre et beauté, 43Luxe, calme et volupté. — Charles Baudelaire
hk
L’Invitation au Voyage écrit en 1848 par Charles Baudelaire, appartient à la première section intitulée “Spleen et l’Idéale” du recueil “les Fleurs du Mal”. Ce poème fait partie du cycle de Marie Daubrun, l’un des trois femmes importantes dans la vie de Baudelaire. Donc, elle incarnait à la fois pour Baudelaire la double tendresse, celle d’une amante (qu’il sentait auprès de Jeanne Duval) et celle d’une sœur (inspirée de l’amour platonique ou spirituelle de Mme Sabatier). Comme Baudelaire l’annonce au départ, il s’adresse à Mme Daubrun en l’appelant « ma sœur ». C’est une figure de style « l’Apostrophe », qui met en relief la personne à qui le poème est adressé.
Dans ce poème, il s’agit d’une rêverie d’un