L'oligarchie québécoise : sous le déguisement de la démocratie
- Raymond Proulx
ENTRÉE EN MATIÈRE
Je suis au bureau de scrutin, quelques heures avant le dévoilement des résultats aux élections provinciales. Assis de travers sur la chaise qu'ils m'ont attribuée, j'inscris à la va-vite mon choix plus ou moins réfléchi. Les têtes des représentants politiques qui s'affichent devant moi me sont presque inconnues, les logos rattachés un peu moins. On m'a depuis longtemps inculqué qu'ici, au Québec, chaque individu se doit d'exercer son vote. Qu'il doit placer un crochet devant la figure qui le représente personnellement. Que c'est le peuple, dans tout son égoïsme naturel, qui décide de son dirigeant pour les années à venir. La souveraineté populaire. La démocratie, qu'on l'appelle.
Je me redresse tranquillement en replaçant ma chaise. Après avoir redonné le fameux crayon noir qu'ils t'imposent à ton arrivée, je me dirige vers la boîte contenant les suffrages de ma municipalité. Mes réflexions s'intensifient. Plonger mon vote dans cette embrasure est-il réellement un acte démocratique ? Suis-je en train de choisir ma liberté ou mes chaînes ? Peut-être m'a-t-on réduit à l'état d'animal, naïf et comprimé, tandis que les bergers, les plus riches, négocient la vraie politique en privé ? J'y suis. Je suis le mouton qu'on a aveuglé par des caresses, de la nourriture et des petits plaisirs, en me garantissant la liberté. Mais je vois maintenant les barrières qu'ils ont planté autour de nous, et eux qui se dressent derrière elles, discutant silencieusement. Ce n'est plus moi qui détient le pouvoir, comme on me l'a toujours expliqué. Je suis complice de ma propre servitude.
ARGUMENTATION
Je vis dans une oligarchie et j'ai des arguments pour le prouver. Comme prévu, je dépose mon vote dans la boîte prévue à cet effet, car je sais maintenant qu'un bout de papier ne pourra rien changer à ma situation et celle du