L'édification dans les liaisons dangereuses
Un but moral, avec l’inspiration à la pitié :
A en croire la préface, la publication des lettres n'est pas sans motif édifiant, le rédacteur insiste sur " l'utilité de l'Ouvrage" . En effet, comme nous l'avons déjà souligné dans l'étude du péritexte, l'ouvrage a un but social ( "rendre un service aux moeurs"), à savoir dénoncer les stratégies corruptrices des personnes immorales qui n'ont d'autre but que de "corrompre" les personnes vertueuses. Il ne s'agit pas de porter un regard angélique sur la société, mais au contraire, comme le souligne l'épigraphe ( " J'ai vu les moeurs de mon temps et j'ai publié ces lettres"), un regard clairvoyant et critique. Bien plus, le rédacteur entend donner des preuves de la dépravation morale des libertins et de ses dangers pour mettre en garde contre les risques des relations sociales ("toute femme (=Mme de Tourvel) qui consent à recevoir dans sa société, un homme sans moeurs finit par en devenir la victime"), contre les amitiés feintes ("toute mère est au moins imprudente, qui souffre qu'un autre qu'elle ait la confiance de sa fille"), contre les pièges des confidences ("les jeunes gens de l'un et l'autre sexe pourraient encore y apprendre que l'amitié que les personnes de mauvaises moeurs paraissent leur accorder si facilement, n'est jamais qu'un piège dangereux"). Dés lors ce livre devient un manuel indispensable pour l'éducation des jeunes filles ("je croirais rendre un vari service à ma fille, en lui donnant ce livre le jour de son mariage")
A priori, le contenu des lettres, les agissements de Mme de Merteuil et de Valmont corroborent cet avis. Cécile, Danceny, Mme de Volanges sont victimes de l'excès de confiance en leurs "amis" ; Mme de Tourvel renonce à sa vertu, à ses devoirs et à ses principes, subjuguée par Valmont qui lui fait découvrir les charmes de l'amour et des plaisirs. Mais pour autant, les propos du rédacteur ne sont pas aussi catégoriques qu'il y paraît d'abord.