L'étrange destin de wangrin
L’œuvre d’Hampaté Bâ, cette bibliothèque africaine qui malheureusement a brûlé, transpire de tous ses pores une Afrique des conteurs, des traditions séculaires, riches, chaleureuses, éminemment élaborées et complexes, étirées depuis les rapports avec les dieux jusqu’à la plus concrète partie de chasse.
Un homme pas comme les autres, conscient de son destin hors du commun demandera à un conteur émérite maîtrisant en sus la langue et l’écriture des blancs, de consigner sa vie et d’en faire la publication une fois son dernier souffle rendu… Et de préciser que cette vie truculente et orageuse divertirait le monde tout en livrant sans parcimonie ni calculs des bribes d’enseignements sur les mystères de la vie.
Cet interprète issu de la tradition bambara allait naître sous la tutelle du dieu Gongoloma-Sooké, dieu des contraires, fabuleux dieu que l’eau ne peut mouiller ni le soleil dessécher, plus mou qu’un mollusque, mais qu’aucun tranchant ne saurait couper…
Wangrin utilisera toutes les cordes de son arc, sa position extrêmement privilégiée de parole et d’oreille du commandant blanc, pour accumuler des richesses, des relations, s’attirer la chance par l’entremise des marabouts et les panégyriques des griots. Pour le meilleur et pour le pire, ce virtuose des coups tordus, bourré d’audace, de cran, de rancune et de ruse, saura se montrer aussi humble que possible, charitable et sincèrement généreux envers les plus infortunés.
Cette histoire montre l’ascension, la puissance et la fin annoncée par la nature, la géomancie et les signes accessibles aux initiés d’un homme ambigu, contradictoire mais réellement fascinant. Sa quête de richesse ressemble à un amoralisme vite tempéré par l’observance de libéralités à profusion, et quand la