L'été 1914
Expliquer un document : Conversation du dimanche 19 juillet 1914
Mais il (Antoine
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) ne demandait pas mieux, puisque Jacques (
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) semblait y tenir que de commencer l'entretien par un échange de généralités sur la politique européenne. Et ce fut avec une bonne volonté sincère que, pour rompre le silence de Jacques, il reprit :
- " Tu crois vraiment qu'une nouvelle guerre couve dans les Balkans ? "
Jacques regardait fixement son frère
- " Est-ce possible qu'à Paris vous n'ayez pas encore la moindre notion de ce qui se passe depuis trois semaines ? Tous ces présages qui s'accumulent ! ... Il ne s'agit plus d'une petite guerre dans les Balkans : c'est toute l'Europe cette fois, qui va droit à une guerre ! Et vous continuez à vivre, sans vous douter de rien ?" […]
- "Tu n'as pas l'air de comprendre, Antoine… Nous sommes arrivés au moment où, si tous font comme toi, si tous laissent les choses aller, la catastrophe est inévitable… Déjà, à l'heure actuelle, il suffirait, pour la déclencher, d'un rien, d'un stupide coup de feu sur la frontière austro serbe…" Antoine ne disait rien. Il venait de recevoir un léger choc. […]
" -- Naturellement, là-dessus, je suis moins renseigné que toi… Tout de même, reconnais avec moi que, dans une civilisation comme celle de l'Europe occidentale, l'éventualité d'un conflit général est à peu près impossible à imaginer ! Avant d'en arriver là, il faudrait, en tout cas, de tels revirements d'opinion !… Cela demanderait du temps, des mois, des années peut-être… pendant lesquels d'autres problèmes surgiraient, qui enlèveraient à ceux d'aujourd'hui leur virulence…"
Il sourit tout à fait rasséréné par son propre raisonnement
- "Ces menaces-là, tu sais, ne sont pas nouvelles. Déjà à Rouen, il y a douze ans, quand je faisais mon service militaire… Pour prédire la guerre, ou la révolution, les prophètes de malheur n'ont jamais manqué… Et le plus curieux