L'astre By Warda
Qui s’abaisse au moment où le foyer pâlit
Et retirant du bord sa vague encore fumante,
Comme pour s’endormir rentrait dans son grand lit
Et l’astre qui tombait de nuage en nuage
Suspendait sur les flots son ombre sans rayon,
Puis plongeait la moitié de sa sanglante image
Comme un navire en feu qui sombre à l’horizon
Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise
Défaillait dans la voile, immobile et sans voix
Et les ombres couraient, et sous leur teinte grise
Tout sur le ciel et l’eau s’effaçait à la fois
Et dans mon âme aussi pâlissant à mesure
Tous les bruits d’ici-bas tombaient avec le jour
Et quelque chose en moi, comme dans la nature
Pleurait, priait, souffrait, bénissait tour à tour !
Et, vers l’occident seul, une porte éclatante
Laissait voir la lumière à flots d’or ondoyer
Et la nue empourprée imitait une tente
Qui voile sans l’éteindre un immense foyer
Et les ombres, les vents, et les flots de l’abîme
Vers cette arche de feu tout paraissait courir
Comme si la nature et tout ce qui l’anime
En perdant la lumière avait craint de mourir !
La poussière du soir y volait de la terre
L’écume à blancs flocons sur la vague y flottait
Et mon regard long, triste, errant, involontaire
Les suivait, et de pleurs sans chagrin s’humectait
Et tout disparaissait ; et mon âme oppressée
Restait vide et pareille à l’horizon couvert ;
Et puis il s’élevait une seule pensée,
Comme une pyramide au milieu du désert.
Oh lumière ! Où vas-tu ? Globe épuisé de flammes
Nages, vagues où courrez vous ?
Poussière, écume, nuit ; vous, mes yeux, toi, mon âme
Dites, si vous savez, où donc allons-nous tous ?
A toi, grand Tout, dont l’astre est la pâle étincelle
En qui la nuit, le jour, l’esprit vont aboutir !
Flux et reflux divin de vie universelle,
Vaste océan de l’Être où tout va s’engloutir !