. L’art n’est-il que choix ?
En fait le réel est souvent absurde et sans beauté. L’art lui donne un sens, le reconstruit comme la tragédie qui transforme un fait divers en une question essentiellement humaine, dégagée de toute contingence, auréolée de son éternité. Ainsi le roman historique nous révèle le sens de l’aventure humaine au travers de la trame si dense des événements. Quatrevingt-Treize d’Hugo simplifie la Révolution française en une épopée où se heurtent avec fracas des protagonistes symboliques : le marquis de Lantenac qui incarne l’ancien régime, Gauvain, son neveu, représentant l’idéalisme généreux de la République, Cimourdain, prêtre défroqué et séide de l’absolutisme révolutionnaire. Hugo juge le passé et nous enseigne aussi les principes qui doivent, à ses yeux, constituer la foi du monde. La stylisation de l’artiste rend donc le réel plus beau et plus vrai. Il s’agit bien alors d’invention, de génie, c’est-à-dire de recomposition, de nouvelle synthèse, de la combinaison nouvelle de moyens en vue d’une fin. C’est affaire d’imagination, de sens des formes et des rythmes, d’association d’idées.
L’art ne peut être un simple choix parmi des éléments réels. Il doit être invention de formes nouvelles si nécessaire. Alors est dépassée la contradiction entre nature et art. L’artiste peut choisir, mais ce qui importe, c’est l’unité, la pensée créatrice qui allie aussi bien éléments réels qu’imaginaires en une œuvre unique, composée, signifiante, répondant aux desseins de son créateur. L’artiste est alors démiurge, « le hasard et l’incompréhensible étaient ses deux grands ennemis » disait Baudelaire de Poe, il ajoutait :