L’histoire de la population de l’Afrique du Nord pendant le deuxième millénaire
Dominique TABUTIN (Université catholique de Louvain, Belgique)
Éric VILQUIN (Université catholique de Louvain, Belgique)
Jean-Noël BIRABEN (INED, Paris, France)1
S’il est une gageure, c’est bien celle d’essayer de reconstituer l’évolution démographique sur dix siècles de régions historiquement peu documentées sur le plan statistique. C’est le cas des cinq pays composant l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Égypte), dont les premiers chiffres de population, définie dans leurs frontières actuelles, datent de la seconde moitié ou de la fin du XIXe siècle, après les premiers dénombrements des autorités coloniales. Dans la mesure où les sources et les méthodes d’approche seront différentes, nous travaillerons en deux temps. Le premier sera consacré à la reconstitution de la population totale de la région du XIe au XIXe siècle, par confrontation des diverses estimations sérieuses jusqu’alors avancées et la prise en compte des grands accidents historiques
(famines, épidémies…). Le second se centrera sur la période 1850-2000, mieux documentée, et sur chacun des pays. Nous terminerons par quelques grandes caractéristiques des transitions démographiques récentes.
1. L’évolution de la population de la région de 1000 à 1850
Les caractéristiques dominantes de la toile de fond du deuxième millénaire dans le nord de l’Afrique sont l’instabilité politique, la désorganisation économique et l’insécurité, dont les effets se sont dramatiquement combinés avec ceux des fléaux naturels qui n’ont pas épargné la région. Pendant que les empires arabo-espagnol, berbères, mamelouk et ottoman s’affrontaient, faisant alterner les guerres de conquête triomphales et les longues phases de décomposition, famines et épidémies se succédaient à un rythme insoutenable. Les époques fastes, où un pouvoir fort a pu imposer la paix et le progrès à une vaste région, ont