S intérêts de l’état justifient-ils le recours à des pratiques immorales ?
Ayant traité de la question relative aux origines de l’état, il convient d’en connaître les intérêts, et les moyens propres à leur satisfaction ; lesquels objets de réflexion ne sauraient trouver point d’accord entre la multitude de philosophes, dont les doctrines à ce sujet s’avèrent diverses, et sont par cela même plus propices à nourrir la recherche qu’effectueraient en cette matière de plus humbles esprits. Puisque ces auteurs diffèrent sur la question des intérêts de l’état, mais non de telle manière qu’il nous serait impossible de les étudier selon deux axes, l’exposé philosophique répondra à la suivante problématique : quels sont les intérêts de l’état ? Convient-il d’y parvenir par de moyens qui transgressent les bornes de la morale ? L’étude sera présentée en trois temps : d’abord sera considérée l’opinion selon laquelle les intérêts de l’état ne justifient point un tel recours ; puis, celle qui s’y oppose ; enfin sera élaborée une conciliation de ces thèses.
Platon fut le premier philosophe dont les développements sur la politique nous sont restés, dans son éminente République, dont la question centrale, posée explicitement par Glaucon au début du deuxième livre, est ainsi formulée : « Est-il toujours mieux d’être juste qu’injuste ? » ; la justice étant la vertu qui incline à accorder à chacun ce qui lui est dû. Socrate répond par l’affirmative, soutenant que le juste est plus heureux, et que la justice est nécessaire et suffisante au bonheur. Dans l’optique d’un état conduit par des philosophes, tel que l’envisage Platon, l’intérêt principal de l’état constitue le bonheur du peuple, et se trouve par là confondu avec l’application de la justice dans le peuple, dont les membres participent au bonheur des philosophes de manière imparfaite et inférieure. La justice, qui constitue le principal intérêt de l’état, vers l’aboutissement duquel il dirige ses forces, ne