Âme des femmes
Histoire d’un mythe, du concile de Mâcon à nos jours
Le 9 janvier 1998, lors du journal de vingt heures sur France 2, Ségolène Royal, alors ministre de l’enseignement scolaire, stigmatise les réticences de l’Académie française à l’égard de la féminisation des titres et des noms par cet argument: « Cela me fait penser aux interrogations du concile de Trente qui se demandait si les femmes avaient une âme » ; cette comparaison lui permet de clore le débat : la misogynie des Académiciens n’est-elle pas aussi ringarde et révoltante que celle des évêques de l’Eglise catholique, véritable responsable de ce mépris universel et séculaire envers les femmes ? Cette anecdote témoigne de la permanence d’un épisode de l’histoire de l’Eglise catholique souvent utilisé: des évêques réunis en concile auraient longuement débattu de l’existence d’une âme chez la femme, pour finir, à une voix, par lui en accorder une et donc admettre son appartenance au genre humain. Cette histoire semble donc fournir une explication rationnelle à la misogynie de l’Eglise catholique ; cependant, par sa concision et sa simplicité, elle se rapproche en fait de la définition du mythe donnée par Mircéa Eliade dans Mythe, Rêves et mystères, Paris, 1965 : « Autrement dit, le mythe raconte comment une réalité est venue à l’existence, que ce soit la réalité totale, ou seulement un fragment (…) comme un comportement humain ». Dès lors, un doute surgit : ce concile a-t-il réellement existé ou n’est-il pas en réalité une légende noire, à l’instar du droit de cuissage, qui aurait permis à un seigneur, fût-il ecclésiastique, d’obtenir la première nuit de noces ou de la papesse Jeanne, mythes dont l’origine et le fonctionnement ont été analysés par Alain Boureau dans ses ouvrages, La papesse Jeanne, Paris, Aubier, 1988, et Le droit de cuissage, la fabrication d’un mythe, XIIIème- XXème siècles, Paris, Albin Michel, 1995 ? Les méthodes proposées par cet historien, modestement