Économie
É
D
I
T
O
R
I
A
L
QUEL DROIT POUR L’ENTREPRISE ? par Blanche SEGRESTIN
Centre de Gestion Scientifique Mines ParisTech
Les entreprises sont devenues des acteurs majeurs du développement économique et social de nos sociétés. Tout au long du XXe siècle, elles n’ont cessé de prendre de l’importance. Leurs capacités se sont considérablement accrues, non seulement du point de vue économique, mais aussi du point de vue de leurs modes d’action ou de leur faculté à transformer les usages et les modes de vie.
Cette dynamique est pourtant aujourd’hui menacée. Les effets négatifs induits par le fonctionnement des entreprises sont soulignés par un nombre croissant d’analyses. Ils concernent des débats anciens (tels que le partage des bénéfices), ou d’autres plus récents (les délocalisations, les licenciements boursiers…). La crise actuelle montre en tout cas que certains phénomènes se sont exacerbés au cours de ces dernières années, au point de mettre en danger l’ensemble du système économique. Elle met en évidence le déséquilibre entre des salariés qui sont soumis à de plus en plus de pressions et des actionnaires dont le lien à l’entreprise est souvent aussi éphémère qu’abstrait. Elle souligne combien les meilleures performances économiques peuvent s’accompagner de coûts sociaux et environnementaux considérables. Elle fait également resurgir les contradictions entre la nécessité pour l’entreprise de renforcer ses capacités collectives et les exigences d’une rentabilité des capitaux à court terme. Les mécanismes à l’œuvre risquent ainsi non seulement d’entraver le développement des entreprises, mais aussi de mettre en cause leur légitimité profonde. Face à cette menace, plusieurs approches sont possibles. L’une d’elles, qui fait l’objet de ce numéro, consiste à interroger les principes de gouvernance qui régissent l’entreprise. La manière dont celle-ci est gouvernée tend en effet à renforcer le poids des actionnaires