Étude littéraire du "voyage"
Le poème entre également en dialogue avec les romantiques par son titre. Son titre initial, « Les Voyageurs », renvoyait à la tradition bien romantique du récit de voyage (rappelons le Voyage en Orient de Lamartine en 1835 et celui de Nerval en1851). « Le Voyage » opère une généralisation (qui prépare la symbolisation) mais conserve explicitement le topos, qui fait en même temps le lien avec l’autre poème du placard, « L’Albatros », où le mot « voyage » clôt le vers 3.
Les effets d’intertextualité sont nombreux. S’agissant de voyage, on n’est pas étonné de voir apparaître l’Odyssée avec Circé (12), et aussi (écho plus trouble sur lequel nous reviendrons) Eschyle et Euripide avec Oreste (134-135). Les grands interlocuteurs poétiques de Baudelaire sont aussi convoqués : « la mer des Ténèbres » (125) vient de Poe, qu’il continue à traduire ; « cette après-midi qui n’a jamais de fin » (132) vient de Tennyson ; et De Quincey n’est pas loin, lui qui s’identifiait à Oreste et que Baudelaire qualifie d’« Oreste de l’opium » dans Un mangeur d’opium. L’« Icarie » (33) renvoie à l’utopie socialiste publiée en 1840 par Cabet,