Analyse antigone, anouilh
Jean Anouilh
Edition La Table ronde
Quelle pièce de théâtre fait vivre à elle seule, depuis soixante ans, une maison d'édition? Réponse: l' Antigone d'Anouilh.
Un soir de l'hiver de 1944, le neveu d'Henri Fresnay, Roland Laudenbach, attend Jean Anouilh à la sortie du théâtre de la Michodière. Le jeune homme est en quête d'auteurs pour sa future maison d'édition. «J'en étais un, de la catégorie, alors très mal vue parce que ne se vendant jamais, des auteurs de théâtre, écrira joliment Anouilh en 1974 - et il se trouvait que j'avais Antigone dans une poche... Ainsi naquit la Table ronde, avec un seul auteur, un seul livre.»
Heureux Laudenbach, 23 ans à l'époque des faits! Antigone sera, toutes proportions gardées, son Petit Prince à lui. Tirée à 10 000 exemplaires la première année, puis à 50 000 chacune des trente années suivantes, la pièce de Jean Anouilh s'installe depuis lors à un rythme de croisière de 160 000 par an. Les raisons du succès? «Cette petite fille ingrate et déjà puante comme Mai 68» (dixit Anouilh), symbolisant la révolte contre l'ordre établi, la résistance à l'autorité, s'incruste dans tous les lycées de France, où des générations d'écoliers ne cessent de la comparer à celle de Sophocle.
Curieusement, et alors même que la Pléiade vient d'accueillir une partie de l'oeuvre du dramaturge, Antigone n'a jamais été publiée en poche. Ou plutôt «n'avait», car, depuis le 13 mars, l' «outrage» est réparé. «Nous avons profité du n° 300 de notre collection, la Petite Vermillon, pour rendre à Anouilh ce coup de chapeau, raconte Alice Déon, nouvelle patronne de la maison. Et, dans la foulée, nous rééditons toute son oeuvre dramatique, en respectant sa classification: Pièces brillantes, Pièces grinçantes, Pièces farceuses...» Soit 10 volumes en tout, plus un recueil inédit (Pièces juvéniles), offert à tout acheteur de deux de ces poches. Merci Anouilh!
Marianne