Analyse de film
Le train sifflera trois fois (Fred Zinnemann, 1952)
« Si toi aussi, tu m'abandonnes... » (ou « Do not forsake me, oh my darling » en version originale). Cette chanson lancinante de Dimitri Tiomkin, qui sera le motif récurrent de Le Train sifflera trois fois de Fred Zinnemann, ouvre un grand film. Un Western qui pourrait être une parabole : celle des gens blacklistés au moment de la croisade anticommuniste et l'hystérique chasse aux sorcières du sénateur MacCarthy.
L'allusion au MacCarthysme et à ses dérives fut clairement saisie et suscita la controverse, certains considérant la démarche comme profondément « anti-américaine » (du nom de la commission qui enquêtait sur les activités suspectes). La paranoïa et la lâcheté régnaient alors sur l'Amérique, beaucoup se laissaient aller à la délation pour protéger leurs arrières et leurs modes de vie. Personne ne voulait être inquiété comme ceux qui ne coopéraient pas et en payaient le prix fort (tel Dalton Trumbo qui ne put travailler à Hollywood pendant des années). C'était l'époque où l'honneur foutait le camp, où les réfractaires à l'hystérie collective devenaient des cibles de cette « chasse aux sorcières ».
C'est finement suggéré par le film de Zinnemann : chacun a gros à perdre s'il fait preuve de courage et, dans la réalité, les héros sont rares. Le montrer au cinéma, dans ce genre précis, qui appelle la légende et la chanson de geste, est un acte de courage. Le film pointe la bassesse de l'humain dans un contexte où elle est habituellement bannie. Une telle démarche dans l'Ouest légendaire est presque sacrilège...
Le Train sifflera trois fois est un chef d'oeuvre sur l'hypocrisie et les faux semblants. C'est également une oeuvre définitive qui fait un usage magistral du temps et de la condamnation qu'il porte en lui.
Si ce film est assurément un grand classique, c'est par son audace à aller contre les conventions et à assumer avec intelligence un engagement éminemment risqué à cette