Anthologie - quand la poésie critique la société
Rf : HUGO, Victor, Les quatre vents de l'esprit, Paris, Gallimard, 1881.
C’est à coups de canon qu’on rend le peuple heureux.
Nous sommes revenus de tous ces grands mots creux : progrès, fraternité, mission de la France, droits de l’homme, raison, liberté, tolérance. -
Socrate est fou ; lisez Lélut qui le confond ;
Christ, fort socialiste et démagogue au fond, est une renommée en somme très surfaite.
Terre ! L’obus est Dieu, Paixhans est son prophète.
Vrai but du genre humain : tuer correctement.
Les hommes, dont le sabre est l’unique calmant, ont le boulet rayé pour chef-d’œuvre ; leur astre, c’est la clarté qui sort d’ une bombe Lancastre, et l’admiration de tout peuple poli va du mortier Armstrong au canon Cavalli.
Dieu s’est trompé ; César plus haut que lui s’élance ;
Jéhovah fit le verbe et César le silence.
Parler, c’est abuser ; penser, c’est usurper.
La voix sert à se taire et l’esprit à ramper.
Le monde est à plat ventre, et l’homme, altier naguère, doux et souple aujourd’hui, tremble. - Paix ! Dit la guerre.
Monsieur Prudhomme, Verlaine.
Rf : VERLAINE, Paul, in Poémes saturniens, présenté par « Classsique Français », Paris, Bookkin international, 1993.
Il est grave : il est maire et père de famille.
Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux
Dans un rêve sans fin flottent insoucieux,
Et le printemps en fleur sur ses pantoufles brille.
Que lui fait l'astre d'or, que lui fait la charmille
Où l'oiseau chante à l'ombre, et que lui font les cieux,
Et les prés verts et les gazons silencieux ?
Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille.
Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu,
Il est juste-milieu, botaniste et pansu.
Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,
Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a
Plus en horreur que son éternel coryza,
Et le printemps en fleur brille sur ses pantoufles.
(X) Je veux bien qu’on me les