Anthologie spleen et ideal
J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime,
Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé.
C'est un univers morne à l'horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème;
Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre;
C'est un pays plus nu que la terre polaire;
- Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois!
Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse La froide cruauté de ce soleil de glace Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos;
Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l'écheveau du temps lentement se dévide!
Charles Baudelaire
C’est le premier poème que j’ai choisi d’incorporer dans cette anthologie car pour moi il représente très bien le spleen et surtout la vision baudelairienne de la chose. Le dit « tourmentée » Baudelaire évoque dans ce poème la mélancolie, l’ennui ainsi que la fuite du temps qui sont des thèmes apparaissant souvent dans ces auteurs du 19ème siècle. On s’aperçoit aussi d’une référence à la Bible. En effet, le titre «De profundis clamavi » est aussi le titre d’un psaume d’espérance dans la Bible mais Baudelaire en fait un chant de désespoir et nous montre du fait une certaine rupture avec la religion catholique. En se représentant au fond d’une abîme Baudelaire évoque donc sa vision du poète dans la société qui l’entoure et le désespoir qui l’habite au milieu de ses contemporains.
Le Pélican
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs