Au lecteur, baudelaire.
Eléments pour l’entretien
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine. Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par …afficher plus de contenu…
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin2,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange. Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes3,
Dans nos cerveaux ribote4 un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes. Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie. Mais parmi les chacals, les panthères, les lices5,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, …afficher plus de contenu…
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Avec les FdM, Baudelaire nous livre une méditation angoissée, fascinée par la double postulation de l’âme humaine, écartelée entre le Bien et le Mal, entre la certitude et le néant. « Au lecteur » est le premier poème et ne fait partie d’aucune des six parties qui structurent le recueil.
Par cette position liminaire et par l’introduction des thèmes essentiels de la poétique baudelairienne, il semble servir d’introduction aux Fleurs du Mal.
Sorte de pacte de lecture dans lequel le poète se présente comme incarnation de la condition humaine, et affirme sa volonté d'« extraire la beauté du mal », principe qui régit le recueil dans son