Auto
Robinson|
Dans tous ses travaux Robinson souffrait cruellement de ne pas posséder de scie. Cet outil, impossible à confectionner avec des moyens de fortune, lui aurait épargné des mois de travail à la hache et au couteau. Un matin il se crut victime de son obsession en entendant à son réveil un bruit qui ne pouvait être interprété que comme celui d'un scieur en action. Parfois le bruit cessait, comme si le scieur avait changé de position, puis il reprenait avec une régularité monotone. Robinson se dégagea doucement du trou de rocher où il avait accoutumé de dormir, et il s'avança à pas de loup vers l'origine du bruit, en s'efforçant de se préparer à l'émotion qu'il éprouverait s'il se trouvait face à face avec un être humain. Il finit par découvrir au pied d'un palmier un crabe gigantesque qui sciait avec ses pinces une noix de coco serrée dans ses pattes. Dans les branches de l'arbre, à vingt pieds de haut, un autre crabe s'attaquait à la base des noix pour les faire choir. Les deux crustacés ne parurent nullement incommodés par la survenue du naufragé et poursuivirent tranquillement leur bruyante besogne. Michel Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique, éd. Gallimard.
Français/3e|Dictée de quinzaine|2|
Deux amis| Ils passaient souvent une demi-journée côte à côte, la ligne à la main et les pieds ballants au-dessus du courant ; et ils s'étaient pris d'amitié l'un pour l'autre.
En certains jours, ils ne parlaient pas. Quelquefois ils causaient ; mais ils s'entendaient admirablement sans rien dire, ayant des goûts semblables et des sensations identiques.
Au printemps, le matin, vers dix heures, quand le soleil rajeuni faisait flotter sur le fleuve tranquille cette petite buée qui coule avec l'eau, et versait dans le dos des deux enragés pêcheurs une bonne chaleur de saison nouvelle, Morissot parfois disait à son voisin : « Hein ! Quelle douceur ! » et M. Sauvage