Avez-vous lu Bonald ? Bien peu, même sur la planète traditionaliste, peuvent répondre à cette question par l’affirmative. C’est en effet que les œuvres de ce maître de la Contre-révolution n’ont pas été rééditées depuis le milieu du XIX° siècle. (1) Il existe bien des recueils de pensées choisies, des présentations de son œuvre, comme les livres de MM Alibert ou Toda, (2) et des thèses universitaires, mais d’une diffusion restreinte. Il est vrai que le courant d’Action Française à ses débuts, avec Maurras, bien sûr, mais aussi Louis Dimier, Paul Bourget et Jules Lemaître, s’est employé à montrer la filiation qui reliait Bonald à la pensée maurrassienne en voie d’épanouissement. Bien que ces derniers ouvrages soient bienveillants, ils n’ont pas permis de promouvoir une nouvelle édition des principaux livres de Bonald, encore moins un recueil de ses œuvres complètes comme Jean Louis Darcel le réalisa naguère pour Joseph de Maistre avec son centre d’études maistriennes. En effet, l’une des conséquences involontaires de cette démarche en « revendication de paternité » des maurrassiens est paradoxalement de laisser s’ensevelir l’œuvre dans l’oubli, le nom seul de l’auteur étant conservé comme une référence. Bonald se serait donc éteint dans Maurras, pour employer une formule chère aux généalogistes ; ou encore : pourquoi lire Bonald puisque nous avons Maurras ? Une telle attitude est sans doute regrettable, car la pensée bonaldienne est spécifique et originale et la Contre-révolution a besoin de toute sa diversité. C’est donc plutôt parmi des esprits moins sensibles à la pensée de Maurras que l’héritage de Bonald est inventorié et discuté. Il y a quelques années, Yves-Marie Adeline écrivit son « Pouvoir Légitime » (3), livre remarquable à tous égards, dans lequel il s’inspira largement de cet héritage, tout en développant un angle de vision nouveau. Pourtant, loin de rendre hommage au philosophe disparu, Adeline ne le cite nommément qu’une seule fois, et sur