Azonto
La raison ne peut travailler que sur ce qui lui est donné. Non seulement parce qu’il faut bien qu’il y ait quelque chose et non pas plutôt rien, mais encore parce que ce quelque chose doit l’être dans l’évidence, ce sentiment invincible de la vérité donnée par le cœur. Ainsi compris, le cœur est aux antipodes des brumes de l’ineffable, il est un organe de la connaissance, une puissance noétique capable de saisir solidement les vérités premières.
On comprend mieux la noblesse et la certitude de la voie démonstrative et même sa puissance dans le temps via cette accumulation de la connaissance que permet la méthode scientifique, mais on perçoit aussi sa triple faiblesse : elle séduit peu car elle est aride et décourageante, elle est ontologiquement seconde et même secondaire, du point de vue de Pascal, par rapport à la seule vérité qui importe, touchant notre condition et notre salut.
Comment rendre compte alors, de cette situation contrariante ? Comment comprendre cette dignité de la raison que tout le monde reconnaît et que l’on suit fort peu cependant ?
Dans notre extrait, ce que nous pourrions appeler le tour de pensée pascalien se manifeste lorsque celui-ci nous propose un détour par les « vérités divines », de même que dans sa vie il est passé de l’étude de la nature à celle de l’homme même si l’une ne succède pas purement et simplement à l’autre dans la vie de Pascal. Il s’agit de changer de plan, de sauter à un autre ordre de vérité, celui proprement religieux de la charité. Mais l’erreur serait de croire que Pascal nous invite à une expérience mystique intraduisible. L’homme est certainement un mystique, mais non le penseur, l’auteur. Il s’agit au contraire de continuer à rendre intelligible ce qui ne l’est plus par la seule raison. C’est justement son hyper rationalisme géométrique qui détourne Pascal d’une position métaphysique rationaliste, mais son