Baudelaire - le peintre de la vie moderne
Le Peintre de la vie moderne ( 1863)
L’exercice régulier de la critique d’art (le premier Salon dont Baudelaire rédige le compte rendu est celui de 1845) conduit progressivement le poète vers un idéal de beauté moderne, capable de se substituer aux formes classiques dont l’épuisement apparaît alors aux yeux de tous : l’art religieux qui sombre dans le goût saint-sulpicien qui régnait pendant la Restauration, l’art néoclassique, toujours fixé sur le modèle antique, qui trouve sa limite dans la perfection privée de vie de Jacques Louis David, ou même ce que Baudelaire nomme « l’art philosophique », selon Chenavard, qui s’efforce de traduire, en de laborieuses allégories, les idéaux humanitaires de 48. Le sentiment d’une crise que traverse alors la peinture est éprouvé par tous, sans qu’on soit encore en mesure de reconnaître bien clairement l’art qui doit venir. Baudelaire s’efforce dans ce texte de discerner les traits fondamentaux de la beauté chez les modernes. Le Peintre de la vie moderne est rédigé en 1863, l’année même où le Salon des Refusés, sur une proposition de l’empereur, ouvre ses portes, permettant ainsi au public de juger de l’injustice, ou de la justesse, du choix opéré par le jury, injustice fortement dénoncée par ceux qui n’avait pu obtenir l’autorisation tant désirée. C’est en 1863 que Le Déjeuner sur l’herbe de Manet est exposé, précisément au Salon des Refusés. Le public, choqué de la trivialité de la scène, pourtant inspirée de l’antique, trouvera risible cette insolente réplique des nudités de convention qui s’étalent au Salon officiel, et confirmera ainsi le verdict du jury. Avec le scandale du Déjeuner sur l’herbe de Manet, l’année 1863 est souvent choisie pour marquer la rupture entre le règne de l’ancien académisme et la naissance de la peinture moderne. C’est ainsi que le scandale soulevé par le tableau de Manet a éclipsé le texte de Baudelaire, qui s’efforce de son côté de définir les principes de la nouvelle