Bonheure et amour
Un corpus sur le bonheur…pour les classes de 1° S
texte 1. Madame du Châtelet, Discours sur le bonheur, publié en 1779.
Le Discours sur le bonheur d'Emilie du Châtelet pourrait être simplement l'exercice de grande intelligence d'une femme du XVIII° siècle éprise de connaissances, de sciences, traductrice de Newton, férue de mathématiques et de philosophie, ce qui déjà serait précieux, dès lors qu'il s'agit de l'entrée des femmes sur la scène intellectuelle. Mais elle fut aussi, longtemps, la compagne de Voltaire qui peu à peu la délaissa.
(…)
J'ai dit que plus notre bonheur dépend de nous, et plus il est assuré ; et cependant la passion, qui peut nous donner de plus grands plaisirs et nous rendre le plus heureux, met entièrement notre bonheur dans la dépendance des autres : on voit bien que je veux parler de l'amour.
Cette passion est peut-être la seule qui puisse nous faire désirer de vivre, et nous engager à remercier l'auteur de la nature, quel qu'il soit, de nous avoir donné l'existence. Mylord Rochester a bien raison de dire que les dieux ont mis cette goutte céleste dans le calice de la vie pour nous donner le courage de la supporter .
Il faut aimer, c'est ce qui nous soutient.
Car sans l'amour, il est triste d'être homme.
Si ce goût mutuel, qui est un sixième sens, et le plus fin, le plus délicat, le plus précieux de tous, se trouve rassembler deux âmes également sensibles au bonheur, au plaisir, tout est dit, on n'a plus rien à faire pour être heureux, tout le reste est indifférent ; il n'y a que la santé qui y soit nécessaire. Il faut employer toutes les facultés de son âme à jouir de ce bonheur ; il faut quitter la vie quand on le " perd ", et être bien sûr que les années de Nestor ne sont rien au prix d'un quart d'heure d'une telle jouissance. Il est juste qu'un tel bonheur soit rare ; s'il était commun, il vaudrait bien mieux être homme que d'être dieu, du moins tel que nous pouvons nous le représenter. Ce qu'on