BORIS VIAN – LES BÂTISSEURS D’EMPIRE
Père, à la mère – Il faut distraire cette gosse. (Haut :) Evidemment, ce Xavier, nous ne le connaissions guère, mais par simple solidarité humaine, je dirai plus, par esprit de palier, je conçois qu’elle éprouve un vif regret de sa disparition et qu’elle éprouve le besoin de se raccrocher à des broutilles.
Zénobie les regarde – C’est effrayant ce que ça peut être bavard à cet âge-là.
Le père va asticoter le schmürz et termine par trois bon coups de pied au ventre.
Mère – Tu n’es pas plus touchée que ça par ma disparition de Xavier ?
Zénobie – Je trouve qu’il a de la veine.
Père – De la veine ? Mon petit lapin, tu ne te rends plus compte… nous qui avons un toit, de quoi manger, un peu de place…
Zénobie – De moins en moins.
Père – De moins en moins ? Le voisin n’en a pas plus.
Zénobie – Je m’en fous complétement du voisin. Si ça lui suffit, tant mieux pour lui. N’empêche qu’autrefois, il avait six pièces comme nous.
Père – Six pièces… c’est de la vanité.
La mère va frapper le schmürz.
Zénobie – Et combien d’étages reste-t-il au-dessus de nous ?
Père, très sincère – Je ne comprends pas ta question.
Zénobie – Et si le Bruit revient ?
Mère – Mais quel bruit ?
On entend vaguement le bruit, et tous s’immobilisent sauf le schmürz qui continue à grouiller un peu.
Zénobie, pâle, les poings serrés – Si le Bruit revient ?
Père – Nous monterons.
Il va palper l’escalier.
Zénobie – S’il n’y a rien au-dessus ?
Père – Cet escalier mène bien à quelque chose, tu me l’accorderas ?
Zénobie, patiente – Bon. Mais au-dessus, il n’y aura plus qu’une pièce.
Père – Ça, tu n’en sais rien. Ce n’est pas du tout prouvé. Tu n’as pas le droit d’inférer d’un changement d’étage qu’il y aura moins de place au suivant.
Zénobie – Et s’il n’y a plus d’escalier, quand nous aurons monté d’un cran ?
Père – S’il n’y a plus d’escalier, c’est que nous n’aurons plus à nous en servir, et ton fameux bruit, tu ne l’entendras plus, par conséquent.
Zénobie, découragée – Si