Bureaucratie
Christophe Prémat
« Un siècle après le Manifeste Communiste , trente années après la Révolution russe, après avoir connu des victoires éclatantes et de profondes défaites, le mouvement révolutionnaire semble avoir disparu, tel un cours d’eau qui en s’approchant de la mer se répand en marécages et finalement s’évanouit dans le sable. »1.
Ce constat est celui que fait CASTORIADIS, dans le premier numéro de la revue Socialisme ou Barbarie en 1949, un an après la fondation avec CLAUDE LEFORT du groupe révolutionnaire du même nom. Ce groupe s’est constitué en dissidence de la IVème Internationale trotskyste qui analysait le régime soviétique comme étant un Etat ouvrier dégénéré. Or, Socialisme ou Barbarie, au-delà de la dénonciation de ce totalitarisme, lancera une interprétation audacieuse à l’époque en montrant la tendance profonde des sociétés contemporaines vers une institution bureaucratique, qu’elle soit totale comme dans le cas des régimes de l’Est (qui représentent les cas extrêmes) ou fragmentée comme dans les régimes de l’Ouest. Cette bureaucratisation de la société est un phénomène proprement concentrationnaire, dans le sens où le système d’exploitation institué produit une logique pseudo-rationnelle de développement et contrôle les différentes sphères de l’existence sociale des individus. Cette bureaucratisation assèche toute possibilité de renouvellement des normes sociales.
La bureaucratie ne se présente pas pour autant comme un monstre hybride, dont les tentacules étoufferaient l’énergie créatrice des individus. Il s’agira plutôt, dans la description de ce phénomène, de montrer en quoi elle se constitue comme modèle social rationnel rendant efficace la domination de la société par un petit nombre, qui n’est pas forcément une classe unifiée.
Nous nous proposons d’analyser les caractéristiques de la plupart des bureaucraties qui représentent des systèmes concentrationnaires fonctionnant à partir