Candide auto-da-fé
L'article "Genève" de L'Encyclopédie, que Voltaire inspire à d'Alembert suscite la tempête chez les pasteurs : les antiphilosophes veulent l'expulser de la propriété des délices, qu'il avait acquis en 1755. En 1758, il achète la propriété de Ferney, située à cheval sur la frontière franco-suisse, pour se mettre à l'abri. C'est cette année-là qu'il rédige Candide, conte philosophique qui contredit la théorie de l'optimisme selon laquelle tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, mais sans la détruire tout à fait puisque la plupart des personnages finissent par cultiver sagement leur jardin en renonçant à la métaphysique. Candide sera publié en 1759, sous couvert de l'anonymat, puis du pseudonyme en 1761. Dans cet extrait, Candide et son inséparable précepteur, philosophe et incorrigible optimiste, traverse la capitale portugaise aux lendemains du tremblement de terre de Lisbonne, survenu en 1755. On retrouvera à travers cet épisode, Voltaire, farouche ennemi du fanatisme.
CHAPITRE SIXIÈME
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COMMENT ON FIT UN BEL AUTO-DA-FÉ POUR EMPÊCHER LES TREMBLEMENTS DE TERRE, ET COMMENT CANDIDE FUT FESSÉ
Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n'avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l'université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler.
On avait en conséquence saisi un Biscayen convaincu d'avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard : on vint lier après le dîner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l'un pour avoir parlé, et l'autre pour avoir écouté avec un air d'approbation : tous deux furent menés séparément dans des appartements d'une extrême fraîcheur, dans lesquels