Monsieur Desroches, écoutez-moi. Aujourd'hui nous sommes libres l'un et l'autre ; demain nous ne le serons plus ; et je vais devenir maîtresse de votre bonheur ou de votre malheur ; vous, du mien. J'y ai bien réfléchi. Daignez y penser aussi sérieusement. Si vous vous sentez ce même penchant à l’inconstance qui vous a dominé jusqu'à présent ; si je ne suffis pas à toute l'étendue de vos désirs, ne vous engagez pas, je vous en conjure par vous-même et par moi. Songez que moins je me crois faite pour être négligée, plus je ressentirais vivement une injure. J'ai de la vanité, et beaucoup. Je ne sais pas haïr ; mais personne ne sait mieux mépriser, et je ne reviens point du mépris. Demain, au pied des autels, vous jurerez de m'appartenir, et de n'appartenir qu'à moi. Sondez-vous ; interrogez votre cœur, tandis qu'il en est encore temps ; songez qu'il y va de ma vie. Monsieur, on me blesse aisément et la blessure de mon âme ne cicatrise point ; elle saigne toujours. Je ne me plaindrai point, parce que la plainte importune d'abord, finit par aigrir le mal ; et parce que la pitié est un sentiment qui dégrade celui qui l'inspire. Je renfermerai ma douleur; et j'en périrai. Chevalier, je vais vous abandonner ma personne et mon bien, vous résigner mes volontés et mes fantaisies ; vous serez tout au monde pour moi ; mais il faut que je sois tout au monde pour vous ; je ne puis être satisfaite à moins. Je suis, je crois, l'unique pour vous dans œ moment ; et vous l'êtes certainement pour moi ; mais il est très possible que nous rencontrions, vous une femme qui soit plus aimable, moi quelqu'un qui me le paraisse. Si la supériorité de mérite, réelle ou présumée, justifiait l'inconstance, il n'y aurait plus de mœurs. J'ai des mœurs ; je veux en avoir, je veux que vous en ayez. C'est par tous les sacrifices imaginables, que je prétends vous acquérir sans réserve. Voilà mes droits, voilà mes titres ; et je n'en rabattrai jamais rien. Je ferai tout pour que vous ne soyez pas