Civilisation Atlantique
Faisons donc comme si nous ne connaissions pas Fougeron, qui n'a que 40 ans en 1953, mais dont la vie a été pleine et dure : ouvrier (métallo), initié à la peinture dans des cours du soir, adhérent au parti communiste (interdit) en 1940 (il fallait le faire !), résistant, et, après la Libération, figure de proue du réalisme-socialiste (à la française) dont Aragon s'était fait le chantre, dès avant la guerre [cf. : Aragon, le réalisme et les peintres]. Fougeron qui était devenu en quelque sorte le peintre "officiel" du parti communiste en ces temps de guerre froide extérieure et intérieure... avant d'être descendu en flammes par le même Aragon après l'affaire bien connue du portrait de Staline par Picasso...
Faisons comme si nous ne savions pas que Fougeron, sans battage d'estrade, est resté fidèle jusqu'à sa mort (1998) à ce parti qui l'avait ostracisé, pendant qu'Aragon, fidèle des fidèles lui aussi, ne cessait de gémir sur les couleuvres que son parti et l'Union soviétique lui faisaient avaler...
Bref, regardons seulement ce tableau.
Et je le regarde avec les yeux du tout jeune homme (né en 1936) que j'étais en 1953.
Que vois-je dans cette mise en images de B.D ? Au centre, trône la chaise électrique qui venait de faire exécuter les Rosenberg, et en dessous, sortant d'une de ces belles américaines qui nous fascinaient, un de ces G.I's qui venaient de guerroyer en Corée, et qui, gendarme du monde capitaliste, nous menaçait tous de son arme... À gauche de la limousine, un patron de chez patron salue bien bas ce soudard qui défend de par le monde les intérêts du capital US. Toute la partie gauche du tableau stigmatise la société capitaliste des mal logés et des sans logis, des bidonvilles, (c'était le temps où