Commentaire guidée
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Le Barbier de Séville, acte I, scènes 1 et 2, (1775).
ACTE PREMIER Le théâtre représente une rue de Séville, où toutes les croisées1 sont grillées2.
SCÈNE PREMIÈRE
LE COMTE, seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant.
Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle3 a coutume de se montrer derrière sa jalousie4 est encore éloignée. N'importe ; il vaut mieux arriver trop tôt que de manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle5. Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine. Mais quoi ! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts des plaisirs si faciles ? Et c'est cela même que je fuis. Je suis las6 des conquêtes que l'intérêt, la convenance ou la vanité7 nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même ; et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement... Au diable l'importun8 !
SCÈNE 2
FIGARO, LE COMTE, caché
FIGARO, une guitare sur le dos attachée en bandoulière avec un large ruban ; il chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main. Bannissons le chagrin, Il nous consume : Sans le feu du bon vin, Qui nous rallume, Réduit à languir, L'homme, sans plaisir, Vivrait comme un sot, Et mourrait bientôt.
Jusque-là ceci ne va pas mal, hein, hein !... ... Et mourrait bientôt. Le vin et la paresse Se disputent mon cœur...
Eh non ! ils ne se le disputent pas, ils y règnent paisiblement ensemble... Se partagent... mon cœur.
Dit-on « se partagent » ?... Eh ! mon Dieu, nos faiseurs d'opéras-comiques n'y regardent pas de si près. Aujourd'hui, ce qui ne vaut pas la peine d'être dit,