commentaire montaigne I,8
Dans ce huitième chapitre du premier livre des Essais, Montaigne traite de l’oisiveté. Comme le note Jean Céard, « si Montaigne réprouve classiquement l’oisiveté, il choisit, non d’y renoncer, mais d’en profiter pour enregistrer les ‘rêveries’ qu’elle lui inspire, afin de les examiner à loisir ‘avec le temps’ ».
Et, en effet, dans cet essai, qui se laisse diviser en trois parties, Montaigne commence par comparer les « esprits » aux réalités naturelles, qui ont besoin de l’industrie humaine pour prospérer (du début à « dans le vague champ des imaginations »). Dans un deuxième moment, Montaigne appuie son opinion par des citations d’auteurs latins (de « sicut aquae tremolunt » à « nusquam habitat »). Enfin, dans un retour sur lui-même, et explique comment il s’est décidé à discipliner son esprit grâce à l’écriture (de « dernièrement » à la fin du chapitre).
Il s’agira de se demander, en quoi, bien plus que la question de l’oisiveté, c’est tout le projet des Essais qui est ici pensé à nouveaux frais, depuis la légitimité de ce projet d’introspection jusqu’à la traduction esthétique que lui donne Montaigne (qui nous livre dans ce texte un exemple frappant de la rhétorique qu’il met en œuvre dans cet ouvrage).
La première partie de ce chapitre est constituée par une double comparaison d’origine biologique. Cette comparaison est composée par deux comparants, les « terres », et les « femmes », et par un comparé : les « esprits ». On trouve d’abord les comparés, le premier étant les terres en friche. Si ces dernières produisent beaucoup d’« herbes sauvages et inutiles », il faut les « tenir en office », c’est-à-dire les cultiver pour qu’elles produisent des plantes consommables. Le second, les « femmes » : elles produisent des « amas et pièces de chair informes », ce que son contemporain, l’anatomiste Ambroise Paré, appelle des môles, c’est-à-dire différents corps pouvant être expulsés de l’utérus. Cependant, il